Mardi le 14 novembre au Téléjournal de 18h sur les ondes de Radio-Canada avec Patrice Roy, j’ai vu un reportage qui est venu me troubler et même m’écorcher. Un homme diagnostiqué avec la SLA en 2016 a eu recours à l’aide médicale à mourir, il voulait mourir avec dignité et avoir le contrôle sur sa mort.
Je n’ai pas beaucoup suivi tout ce qui entoure la polémique de ce genre de suicide, mais pour moi ça reste un suicide et non pas un acte de courage.
Le suicide n’est pas accepté dans la société, on met en place des organismes comme Suicide Action Montréal pour éviter que cet acte soit répandu. On considère le suicide comme étant une solution permanente à un problème temporaire. Je sais, vous me direz que le diagnostic d’une maladie évolutive comme la SLA n’est pas un problème temporaire, c’est vrai, mais ce qui est temporaire est l’état émotionnel de peur et les étapes du deuil.
Il y a toujours un processus de deuil à vivre lorsqu’il y a perte d’un être cher, perte de travail, perte de capacité, etc. Le deuil est un processus qui traverse plusieurs étapes, certains cheminent plus rapidement que d’autres, mais il est possible de passer au travers, même le deuil le plus difficile à vivre, celui de la perte d’un enfant.
Si l’être humain a la capacité, à condition qu’il soit accompagné et supporté, de passer à travers tout deuil, pourquoi le deuil de la perte de capacités physiques serait insurmontable ?
À l’écoute du reportage, je comprends que pour avoir accès à l’aide médicale à mourir, un médecin doit présumer une mort dans la prochaine année. Comment peut-on "oser" présumer une mort à coup sûr ? Cette condition me fait énormément réagir, car on donne au corps médical beaucoup de pouvoir. Beaucoup trop ! La majorité des gens que je connais ayant reçu un diagnostic de mort, ont dépassé les pronostics, moi la première. On me donnait jusqu’à l’âge de 15 ans à vivre dans des conditions difficiles, on a même fortement proposé à mes parents de me placer en institution pour que des spécialistes prennent soin de moi. J’ai 45 ans aujourd’hui, je suis très loin de mourir et ma vie a été remplie de beauté, de réalisation, d’amour. De vie. Oui de vie, car justement je n’ai pas écouté le corps médical.
Pourquoi tout ce qui est lié à la perte de capacité, à la maladie et au handicap physique est si lié à la mort, si condamné à la mort ? Oui c’est difficile, mais pas insurmontable, tout comme la perte d’un enfant par suicide, Sylvain Miron en parle dans ses conférences.
J’imagine qu’avant d’accepter qu’une personne puisse avoir recours à l’aide médical à mourir on s’assure que la personne n’est pas en dépression. S’assure-t-on qu’elle a passé à travers toutes les étapes du deuil ? J’ai peine à croire que M. Yvon Cournoyer dans ce reportage ait passé au travers tout ce processus pour chacune de ses pertes en un an. Je ne veux pas juger la décision et l’acte de M. Cournoyer ni de tous ceux qui ont recours à ce suicide. Je déplore seulement que le « corps médical » avec ses pronostiques prend beaucoup trop de place et nous condamne d’avance.
Le corps physique répond à tellement de facteurs émotionnels, environnementaux, et relationnels qu’il est pour moi un crime sur la personne, un acte de violence, que de faire des pronostics sur l’espérance de vie. Le corps médical n’est peut-être pas conscient, mais ces annonces sont pour moi des menaces de mort qui habitent intérieurement celui qui reçoit cette menace et qui le fait vivre dans la peur.
Au lieu d’écouter ceux qui portent des chemises blanches aseptisées, pourquoi ne pas plutôt pencher ses regards vers le « corps » humain, vers ceux qui nous ressemble pour trouver des modèles de victoire, de résilience et de vie. Chacun son métier, les médecins sont là pour diagnostiquer, l’humain est là pour supporter, entraider et aimer. Tournons-nous vers ceux qui ont déjà passé parce qui nous attend. La mort est là certes, elle aura son tour, mais ce qui nous attend avec impatience est la vie !
P.S. J’aimerais partir un groupe de rencontre « par les pairs ». J’aurais besoin d’une personne avec de l’expérience pour m'aider à organiser et à animer ces rencontres qui se dérouleraient par vidéo-conférence. Pour ceux que ça intéresse, communiquez avec moi.